«En Europe, les jeunes apprécient encore le vrai rock'n'roll. Tant qu'il y aura des fans pour venir me voir, je chanterai. J'espère bien chanter jusqu'à ma mort. Je pense que je mourrai dans un accident d'avion ou de voiture» déclare Gene fin 1959. C'est par le Royaume Uni qu'il commence sa première tournée, en décembre 59.

Une tournée pleine de succès en compagnie d'Eddie Cochran, Duane Eddy, les Everly Brothers et

Gene au Golf Drouot, 1969

 

les anglais Joe Brown, Billy Fury et Georgie Fame. Début avril 1960, Gene et Eddie entame une deuxième tournée à travers l'Angleterre mais, le 17 avril, le taxi qui les ramène de l'hippodrome

 

de Bristol n'arrivera jamais à l'aéroport d'Heathrow. La roue arrièreéclate dans une courbe à l'entrée de Chippenham : Gene et Sharon Sheeley (la fiancée d'Eddie) sont transportés à l'hôpital et ressortent le lendemain, mais pour Eddie, ses blessures à la tête sont irréversibles. «Réveillé par le choc, j'ai vu Eddie désarticulé à mes côtés, la tête en sang. Je lui ai donné quelques claques pour le réveiller, mais en vain. Pendant plus d'un an, je ne pus croire qu'il nous avait quitté

 

STAR À LONDRES

Deuil et violence : Gene ne quittera plus sa nouvelle tenue, un ensemble de cuir noir. Il deviendra l'éternel "Black leather rebel" aux yeux de ses fans. Il repart aux USA pour accompagner son ami dans sa dernière demeure et se repose quelques temps à Seattle. Mais Gene est une idole en Angleterre et, en 1961, il y effectue plusieurs tournées et s'achète un cottage dans le Kent où il s'installe avec sa femme et sa fille.

Depuis 1956, Gene n'a cessé d'enregistrer et il continuera jusqu'à sa mort. Sa discographie est si importante qu'il est difficile de citer toutes ses sessions. Voici quelques titres phares de sa carrière post-américaine : Pistol packin' mama, She she little Sheila, I'm goin' home, You are my sunshine, etc. Si les concerts sont triomphants, ses ventes de disques ne le sont pas et, à partir de 1963, Gene changera sans arrêt de firme. L'année 1964 est celle du mythique concert du Granada Show, dans la banlieue de Londres. Gene attend que les rockers pénètrent dans la salle au guidon de leurs cafe racers

 

Triumph, Norton ou BSA pour attaquer un Be bop a lula d'enfer. L'évènement sera immortalisé sur pellicule par le document "Don't knock the rock". L'année suivante, Gene est opéré d'un kyste près du cerveau qui lui créait des troubles auditifs. Après un

 

mois de repos, il reprend les galas, mais se dispute avec son imprésario. Il retourne aux USA, se fait à nouveau opérer de la jambe et signe un contrat pour une firme californienne (Challenge) pour laquelle il enregistre en 1966 l'excellent Bird doggin' dans un style proche de la sonorité musicale british beat des Yardbirds. En 1967, Gene enregistre Story of the rockers, un hommage à la musique qu'il aime et à ceux qui l'interprètent. Après deux ans de silence, il enregistre à nouveau un LP qui sortira en Angleterre sous le label Dandelion. En1969, la France a le privilège de le recevoir au Golf Drouot. Scotché au premier rang, je me souviens

 

de lui, le timbre enroué à cause d'un coup de froid, s'excuser avant d'attaquer un Say mama rendu des plus émouvants par sa voix cassée. Ce sera le dernier passage de Gene à Paris avant qu'il ne reparte en Angleterre pour quelques concerts, dont une tournée en février 1971 avec les Houseshakers.

 

L'ALCOOL LE RUINE

Sept mois plus tard, il revient à nouveau en Angleterre. Ce ne sont pas ses fans qui l'attendent à l'aéroport mais un homme de loi. S'il ne verse pas sa pension à son ex-femme, il va en prison. Tout va alors de mal en pis. Il est remercié au bout de 48 heures par le club de Liverpool qui l'a engagé et, à son retour en Californie, il apprend que sa femmel'a quitté ! Gene devient de plus en plus alcoolique et, le 12 octobre, il rend visite à sa mère. Trébuchant sur le pas de la porte, il se met à tousser et crache du sang. «Tu peux appeler l'ambulance, lui dit-il, c'est fini !» Ce seront ses derniers mots. Victime d'une hémorragie interne, il décède pendant son transfert à l'hôpital.

Le rock perd l'artiste instinctif le plus marquant de son histoire.

 

 

 

Texte : Claude Speisser - with great help from S.A. Vincent.

 
 

 

 

Avec l'aimable autorisation du magasine CAFE RACER